Gave de Pau : nos premiers éléments sur les taux de retour de Saumons issus d’alevinage…

11 Mar, 2020Actualités

Le bassin du Gave de Pau, en phase active de restauration de la continuité écologique, est actuellement le seul concerné par l’effort d’alevinage en Saumon atlantique sur le bassin de l’Adour.
Les populations de saumons fréquentant les bassins de la Nive et du Gave d’Oloron ont un statut « autonome », bien qu’elles fassent toujours l’objet d’une surveillance du fait d’un état jugé inquiétant. Si le niveau de ces populations est en-deçà de leur potentiel, l’alevinage n’est toutefois pas requis de manière à ne pas perturber leur fonctionnement naturel (potentiel génétique notamment).

La situation du Gave de Pau est bien différente. L’espèce ayant complétement disparu, l’alevinage s’inscrit dans une démarche globale de restauration qui, couplé aux efforts en matière de restauration de la continuité écologique, a pour but de « relancer la machine » (beaucoup plus efficacement et rapidement qu’avec les seuls égarés en provenance d’autres bassins). L’alevinage n’a pas pour but de soutenir le stock de manière pérenne mais simplement à donner un coup de pouce temporaire au retour d’une population autonome.

L’association Migradour porte depuis plusieurs années les opérations de repeuplement en Saumon sur le bassin du Gave de Pau. La stratégie d’alevinage étant définie au sein d’un groupe technique spécifique du COGEPOMI regroupant DREAL, OFB, Agence de l’Eau Adour-Garonne, Région Nouvelle-Aquitaine, fédérations de pêche et Institution Adour.

La totalité des œufs utilisés pour le repeuplement en saumons est issue d’un stock de géniteurs de souche « Gaves » de première génération (issus exclusivement de géniteurs sauvages) enfermés à la pisciculture fédérale de Cauterets.
Les objectifs de « production » ces dernières années sont d’environ 500 000 alevins avec une répartition dans une proportion à peu près égale entre les stades « précoce » et « estival ».
Ces pratiques d’optimisation de la qualité génétique (souche « Gaves », méthode de fécondation, limitation de la sélection liée à l’élevage, stades de déversements précoces, etc.) sont destinées à se rapprocher autant que possible de poissons « sauvages ».

Ces dernières années, plusieurs éléments (évolution de l’abondance, étude sur les otolites du saumon de l’Adour) montrent des signes encourageants quant à l’efficacité du plan de restauration mis en œuvre sur le Gave de Pau. Les analyses réalisées récemment sur le taux de retours des poissons marqués viennent confirmer ces observations.

En effet, une partie des alevins estivaux déversés annuellement (de 2011 à 2014, puis en 2018) avait fait l’objet d’un marquage par ablation de la nageoire adipeuse, afin de contribuer à l’estimation des taux de retour de ces individus, par observation des marques au niveau de la station de contrôle d’Artix. L’année 2019 a vu le retour des derniers individus des marquages de 2014 (saumons de 2 hivers de rivière + 3 hivers de mer).

L’effectif cumulé des alevins marqués est conséquent (entre 182 000 et 223 000 au total), et permet de considérer que les résultats ont une bonne précision.
Les taux de retour de ces alevins estivaux sont très bons (autour de 0,15 %, en amont des pêcheries) ; ils sont nettement supérieurs à ceux constatés dans d’autres bassins français. En termes de prospective, et sur la base de l’hypothèse de l’atteinte d’une production de 200 000 alevins estivaux, de tels taux permettent d’envisager le retour de 280-350 géniteurs issus de ces estivaux, soit 24-30 % d’un effectif de 1 200 saumons contrôlés à Artix.
En l’absence de possibilité de marquage des alevins précoces, leurs taux de retour n’ont pas pu être estimés. Une projection a toutefois été menée, en retenant, en première approche, l’hypothèse d’une survie deux fois moindre que celle des alevins déversés au stade estival : 300 000 alevins précoces pourraient conduire au retour de 210-260 géniteurs.

Avec de telles projections, et sur un effectif de retour de 1 200 individus, l’alevinage (tous stades de déversement confondus) contribuerait à hauteur de 40-50 % des retours de géniteurs.
La progression des effectifs contrôlés à Artix est donc portée à la fois par une reproduction naturelle qui se développe et par une contribution encore importante de l’alevinage.

Par ailleurs, l’analyse de la composition par groupe d’âge de mer ne montre pas de différence significative entre les individus marqués et les non-marqués du Gave de Pau (station d’Artix, période 2013-2019), ni avec les retours dans le Gave d’Oloron (station de Masseys, sur la même période). Les « estivaux » ne donnent pas une plus grande proportion de retours de castillons que les alevins nés dans le milieu naturel.

Malgré le nombre élevé d’obstacles présents sur ce cours d’eau (dont certains encore problématiques) et un prélèvement important par pêche à l’aval, ces bons taux de retour, corrélés à l’augmentation significative du stock migrant ces dernières années et à des détections régulières d’alevins naturels dans des secteurs non-alevinés, sont très encourageants.

Ces résultats laissent ainsi entrevoir un potentiel exceptionnel qui commence à peine à s’exprimer.

Il apparait de fait nécessaire de poursuivre les efforts de restauration sur le Gave de Pau, en particulier en matière de continuité écologique, et éviter ainsi toute nouvelle dégradation !

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