La séquence des migrations 2022 est désormais derrière nous. Voici le moment de faire le bilan des observations aux stations de contrôle…

Des résultats mitigés

L’année 2022 a été marquée par un étiage (faibles débits et températures élevées) particulièrement précoce, intense et surtout prolongé qui a pu affecter la répartition et peut-être même la survie d’une partie des populations migrantes (grands salmonidés notamment). Les effectifs de migrateurs en montaison enregistrés au niveau des stations de contrôle du bassin de l’Adour affichent des résultats mitigés selon l’espèce et/ou la rivière considérée.

Après 3 très mauvaises années, les effectifs 2022 de grande Alose et de Lamproie marine présentent globalement des évolutions contrastées. En comparaison des données précédentes, les niveaux d’abondance de grande Alose peuvent ainsi être qualifiés de « très bons » à Charritte sur le Saison (94 Aloses, record depuis la mise en place de la station en 2015 avec un faible effectif toutefois) et d’« assez bons » à Masseys sur le Gave d’Oloron (394 individus) mais ils sont au contraire « très mauvais » à Castetarbe sur le Gave de Pau (788 individus, largement inférieur au minimum enregistré l’année précédente). Le constat est assez similaire pour la Lamproie marine dont les niveaux d’abondance peuvent être qualifiés de « moyen supérieur » sur le Saison, « moyen inférieur » sur le Gave d’Oloron (mais toujours très largement en-deçà des populations observées en 2011-2012) et à nouveau « mauvais » sur le Gave de Pau (légèrement au-dessus du minimum enregistré en 2019).

Côté Saumon atlantique, le bilan était largement positif en début de saison grâce à l’arrivée de nombreux gros saumons de Plusieurs Hivers de Mer (PHM) dans la plupart des rivières (effectifs records pour cette catégorie à Charritte sur le Saison et à Castetarbe sur le Gave de Pau, 5ème meilleure année à Masseys sur le Gave d’Oloron). Hélas, les très faibles effectifs de castillons (inférieurs aux minima enregistrés précédemment pour cette catégorie sur le Saison et le Gave d’Oloron, effectif le plus faible depuis une vingtaine d’année sur le Gave de Pau) n’ont pas permis d’entretenir cette bonne dynamique. Le niveau d’abondance final peut être considéré comme « moyen inférieur » sur le Gave d’Oloron et le Saison et « bon » sur le Gave de Pau où la population est globalement en augmentation en lien avec le Plan de restauration de l’espèce sur cet axe. Notons que ces cohortes fournies de PHM sont intéressantes en vue de la dépose d’œufs de l’hiver 2022-2023 et du futur recrutement 2023. Enfin, les niveaux d’abondance de Truite de mer en 2022 sont globalement bons. Dans le détail, ils sont « moyens supérieurs » sur le Gave d’Oloron (qui abrite la population la plus développée) et le Saison et « très bon » à « moyen supérieur » sur le Gave de Pau en fonction de la station considérée (le taux de transfert pour cette espèce entre Castetarbe et Artix étant anormalement faible cette année en lien potentiel avec les conditions d’étiage ?).

Des nouvelles stations aux résultats étonnants

Deux nouvelles stations vidéo de contrôle des migrations ont vu le jour en 2022 dans le bassin Adour. Implantées dans la Commune d’Oloron-Sainte-Marie sur le Gave d’Ossau (Loubière) et le Gave d’Aspe (Sainte-Marie) à quelques hectomètres en amont de leur confluence formant le Gave d’Oloron, elles auront pour principale mission l’acquisition de connaissances sur la répartition géographique exacte des migrateurs (grands salmonidés notamment) déjà observés à Masseys plus en aval. Elles permettront également d’étudier les taux et temps de transfert (et leurs évolutions) entre Navarrenx et Oloron. Enfin, couplées aux données acquises dans le cadre du Réseau de pêches d’inventaire des juvéniles d’automne, elles devraient permettre (sur le Gave d’Ossau en particulier) d’affiner la relation stock-recrutement nécessaire à l’élaboration d’une Limite de Conservation pour le Saumon dans le bassin Adour.

Sainte-Marie, gave d’Aspe

Loubière, gave d’Ossau

La principale information révélée par la mise en place de ces nouvelles stations de comptage concerne la répartition géographique des Truites de mer. Si nous savions que le bassin du Gave d’Oloron abritait une population conséquente (environ 2 300 individus par an en moyenne à Masseys), leur répartition géographique exacte était inconnue. Sur les 2 477 Truites de mer comptabilisées à Masseys en 2022, 1 355 ont finalement été recontrôlées à Sainte-Marie et 557 à Loubière. Il semblerait donc qu’une majorité (54,7 % en 2022) des Truites de mer du Gave d’Oloron remontent se reproduire dans le sous-bassin du Gave d’Aspe d’où elles sont probablement originaires (homing). Ce sous-bassin (Gave d’Aspe, Lourdios et affluents) serait donc le principal contributeur de la population conséquente de Truites de mer du Gave d’Oloron ! Notons par ailleurs que 130 Lamproies marines ont été dénombrées à Sainte-Marie.

La répartition des Saumons dans les différents sous-bassins du Gave d’Oloron n’était jusqu’à présent connue que partiellement à l’aide du Réseau de pêches d’inventaire des juvéniles d’automne, de stations de contrôle non-exhaustives (piégeage à Soeix sur le Gave d’Aspe) ou situées très en amont (St-Cricq et Castet sur le Gave d’Ossau, Bedous (prestation pour EDF) sur le Gave d’Aspe) et de données ponctuelles issues d’analyses d’otolithes. Certains de ces outils (pêches d’automne) indiquent globalement une forte contribution du Gave d’Ossau dans le recrutement en juvéniles de l’année. Les géniteurs observés en 2022 sur le Gave d’Ossau (482 individus) sont plus nombreux que sur le Gave d’Aspe (337) mais n’atteignent pas les niveaux de population imaginés. De plus, le taux de transfert global entre Navarrenx et les 2 stations d’Oloron apparaît assez faible et l’effectif de saumons restés à l’aval d’Oloron (Gave d’Oloron, Vert et potentielles mortalités) semble élevé. S’agit-il d’une année inhabituelle de faible retour sur l’axe Ossau ? Les conditions d’étiage particulièrement sévères en 2022 ont-elles pu influencer fortement cette répartition ? Des premiers éléments de réponse nous parviendront à l’automne 2023 avec une production de juvéniles sur le Gave d’Ossau que l’on imagine assez éloignée des records établis précédemment.  Les suivis des nouvelles stations de Loubière et de Sainte-Marie dans les années à venir permettront de confirmer ou moduler cette première idée de répartition des populations dans ces sous-bassins.

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