En attendant l’arrivée du premier migrateur amphihalin de la cohorte 2024, il est temps d’établir un bilan définitif des migrations observées au niveau des stations de contrôle en 2023.

Des remontées catastrophiques…

Après une mauvaise remontée de castillons en 2022, inattendue initialement (puisque provenant majoritairement d’une production de juvéniles « moyenne » à l’automne 2020), la cohorte de Saumons PHM 2023 s’est logiquement avérée assez faible elle aussi (621 PHM à Masseys sur le Gave d’Oloron soit la 3ème plus mauvaise année, 256 PHM à Charritte sur le Saison soit la 3ème plus mauvaise année, 243 PHM à Artix sur le Gave de Pau soit la 3ème plus mauvaise année depuis 2015). Les mauvaises surprises s’enchaînent malheureusement puisque la cohorte de castillons 2023 (elle aussi majoritairement issue d’une production de juvéniles « moyenne » à l’automne 2021) présente une faiblesse jamais vue depuis le début des comptages de migrateurs dans le bassin :

  • 94 castillons seulement (!) à Masseys sur le Gave d’Oloron soit 4 fois moins que le minimum historique enregistré l’année dernière (391 en 2022) et 5 fois moins que le minimum précédent (481 en 2012) …
  • 45 castillons seulement (!) à Charritte sur le Saison soit 3 fois moins que le minimum historique enregistré l’année dernière (138 en 2022) et quasiment 4 fois moins que le minimum précédent (178 en 2019) …
  • 52 castillons seulement à Artix sur le Gave de Pau soit environ 1,7 fois moins que le minimum historique enregistré l’année dernière (87 en 2022) et 2,4 fois moins que le minimum précédent (125 en 2009, une autre époque du Plan de restauration de l’espèce dans ce bassin) …

Le bilan global des effectifs de géniteurs de Saumons de retour dans le bassin des Gaves en 2023 s’avère ainsi « catastrophique » en comparaison de l’historique disponible. Les effectifs minimums précédents sont ainsi largement « battus » sur la totalité des cours d’eau étudiés :

  • L’effectif de saumons sur le Gave d’Oloron passe pour la toute première fois (largement) en-dessous de la barre symbolique des 1 000 poissons à Masseys avec 715 individus seulement (!) contre 1 085 pour le minimum historique enregistré en 2013…
  • 301 saumons seulement ont été comptabilisés sur le Saison à Charritte contre 506 individus pour le minimum historique enregistré en 2021.
  • Sur le Gave de Pau, on dénombre à peine 321 saumons à Castetarbe soit quasiment 3 fois moins que l’effectif minimum enregistré en 2021 (937) et il faut remonter 14 années en arrière pour trouver trace d’une population aussi faible à Artix (175 individus en 2009).

Ces mauvaises surprises couplées à des observations similaires dans beaucoup d’autres bassins français et européens semblent indiquer ces deux dernières années une forte chute des taux de retour en lien probable avec des causes d’origine marine inconnues (Diminution de la survie en mer en lien avec la disponibilité de nourriture (sous l’effet des canicules marines ?) ? Pêche légale ou illégale sur des zones de grossissement et/ou de migration ?). Sans préjuger de l’évolution des survies marines dans les prochains mois, les indicateurs collectés en eau douce semblent malheureusement négatifs en vue de la future remontée de géniteurs 2024 : la très faible cohorte de castillons 2023 devrait a priori se traduire par une très faible cohorte de PHM en 2024 et la faible production de juvéniles de l’automne 2022 risque d’engendrer une nouvelle faible cohorte de castillons en 2024 qui serait la 3ème consécutive …

Le bilan est tout aussi négatif pour la Truite de mer dont les effectifs sont inférieurs aux minimas précédents sur la totalité des stations étudiées (1 262 individus à Masseys sur le Gave d’Oloron contre 1 447 pour le minimum historique enregistré en 2011, 186 individus à Charritte sur le Saison contre 252 pour le minimum historique enregistré en 2020, 67 individus à Castetarbe sur le Gave de Pau contre 123 pour le minimum historique enregistré en 2018).

Les effectifs de Lamproie marine sont eux aussi en forte diminution sur la totalité des stations de contrôle en comparaison du léger « rebond » observé l’année précédente sur certains axes. Ils atteignent même des valeurs particulièrement faibles sur le Gave de Pau (7 individus seulement à Castetarbe).

Un mince rayon de soleil avec la grande Alose

La seule note positive de ce bilan 2023 nous vient de la grande Alose dont les effectifs comptabilisés sur le Saison et surtout le Gave d’Oloron sont très largement supérieurs aux maximas enregistrés (plus de 2 000 aloses à Masseys contre 513 pour le précédent record, 187 à Charritte contre 94 pour le précédent record). 17 individus ont même été observés à Loubière sur le Gave d’Ossau ! Parmi les hypothèses (ou combinaison d’hypothèses) pouvant être émises pour expliquer ces bons résultats, on peut citer :

  • Simplement une « bonne » année pour l’espèce (en lien avec la survie en mer ?)
  • Les effets directs de certaines mesures de régulation de la pêche de cette espèce
  • Un début de migration précoce (susceptible de favoriser l’échappement) et des conditions de migrations très favorables avec une eau en abondance pendant tout le printemps (facilitant notamment le franchissement de certains obstacles)
  • Un effet de « vases communicants » entre le bassin du Gave d’Oloron / Saison et celui du Gave de Pau où le niveau d’abondance observé à Castetarbe est au contraire relativement faible

 

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